L'histoire du pensionnat Saint Louis

Historique du Pensionnat Saint-Louis

Le 25 novembre 1805, quatre frères des écoles chrétiennes arrivaient à Saint-Etienne. Ils appartenaient à ce petit groupe de fidèles qui après la Révolution s'était reformé à Lyon dès les premières heures de liberté. La municipalité de Saint-Etienne leur confiait une école communale.

 

1805-1904 ! Un siècle d'efforts persévérants, devait voir se réaliser des œuvres merveilleuses, solidement enracinées dans le sol forézien, puisque la persécution la plus adroite et la plus sournoise ne pourrait en avoir raison. De toutes les œuvres issues de celle communauté qui s'installait le 25 Novembre l8o5 dans la petite rue de la Ville, la plus importante et la plus célèbre, fut sans contredit le Pensionnat Saint-Louis dont ces pages veulent retracer l'histoire.

 

Ni le premier directeur, Frère Jean Marcellin, ni ses premiers successeurs n'eurent l'idée de fonder un Pensionnat. Les œuvres de Dieu sont toujours modestes en leurs débuts. Ces premiers Frères s'adonnèrent simplement de tout leur cœur à leurs humbles fonctions de maître d'école. Ils remplirent leurs classes d'élèves, et il faut arriver au septième directeur, Frère Othmard, pour voir apparaître l'idée d'un développement de l'enseignement primaire el la création d'un Pensionnat. Les difficultés furent considérables : longtemps elles entravèrent l'action du directeur : une première fois, elles ruinèrent même complètement l'œuvre qui paraissait solidement fondée. Le succès vint ensuite avec l'achat des immeubles" de la rue Désirée. Nous pouvons donc distinguer dans la vie du Pensionnat Saint-Louis trois périodes: une période d'essai qui va de 1837 à 1864, la période des réalisations de 1864 à 1904, enfin la période de la sécularisation qui dure encore.

 

 

 

PÉRIODE D'ESSAI

 

En 1837, la communauté principale des Frères habite toujours rue de la Ville. De ce centre elle rayonne chaque jour dans les écoles des différentes paroisses où les Frères sont Installés. C'est dans une de ces écoles, rue Royale, aujourd'hui rue de la République, que le Frère Othmard ouvre une école payante bientôt devenue demi-pensionnat. Les instances d'un certain nombre de familles, la perception très nette des besoins d'une cité qui s'ouvre à l'industrie et au commerce ont poussé le Directeur à cette innovation. Mais il fallait des autorisations : celle des supérieurs, elle ne fil pas défaut; celle des autorités académiques, bienveillantes, elles fermèrent les yeux, Les difficultés commencèrent avec le succès. La législation d'alors était muette sur les conditions d'ouverture d'un demi-pensionnat. Le ministre consulté ordonna les mêmes formalités que pour l'ouverture d'un Pensionnat et pour des raisons locales (entendez la concurrence et le danger pour le collège municipal) la demande d'autorisation fut repoussée et l'on précisait : le demi-pensionnat devait être licencié en 1839. Mais les frères ne se pressèrent pas d'obéir, ils manœuvrèrent avec habileté, et bien que le préfet de Montbrison soit intervenu pour hâter la fermeture, des démarches à Paris obtinrent l'autorisation sollicitée, le 4 Juin i84o.

 

Les archives conservent le texte du premier prospectus de ce demi-pensionnat. Tl porte notamment que l'année scolaire est de 11 mois, que les élèves entrent en classe le matin à 6 h. 1/2 et qu'ils sortent le soir à 5 h. ½ en hiver et à 6 h. 1/2 en été. Il n'y a ni jeudi ni dimanche, ces jours étant employés à la promenade obligatoire et à la répétition des leçons de la semaine.

 

En 1846, ce demi-pensionnat emploie dix-neuf Frères. C'est alors que l'Institut des Frères après avoir essayé d'acheter le château de Chantegrillet qui devait devenir l'Ecole des Mines, acquiert un grand terrain à Montaud et y fait construire un immeuble qui existe encore et qui fut longtemps le collège Saint-Michel des P. Jésuites.

 

Cette construction devait loger à la fois le demi-pensionnat, les sourds-muets et les Frères des écoles de la ville qui chaque soir rentraient à la communauté.

 

Le demi Pensionnat s'y transporta en 1849 et, avec l'autorisation de M. Falloux, Ministre de l'Instruction publique, il devint bientôt Pensionnat. Il semble qu'installée dans un grand édifice, construit par un architecte de talent, le frère Pasquier, l'œuvre soit alors solidement fondée. Les programmes renferment déjà d'intéressantes innovations et témoignent de cette vitalité pédagogique et de ce sentiment des nécessités locales qui ont toujours marqué les œuvres des Frères. A Montaud, ils ouvrent une classe de commerce et ils organisent des cours de tissage. La maison occupe vingt-trois Frères et ils ont à leur tête un jeune directeur de 32 ans, le Frère Probe, si attaché à son œuvre qu'il mourra de chagrin après la fermeture du Pensionnat. C'est qu'en effet le Frère Philippe, devant les difficultés de l'œuvre nouvelle, en décide la vente en 1851, et la maison passe aux mains des PP. Jésuites pour devenir le collège Saint-Michel. Rien ne subsista donc de ce premier essai : l'immeuble est vendu, les frères dispersés dans les pensionnats de Lyon et de la région de l'ouest.

 

Si, quelque chose subsiste, et c'est le succès moral de celte première tentative. Il restera toujours au cœur des Frères le désir de recommencer, et dans la population stéphanoise, celui de vouloir bénéficier des avantages d'un établissement dont les méthodes se sont montrées si efficaces. Les professeurs de ce premier pensionnat jouissaient d'une telle réputation près des familles et s'étaient attirés à Ici point l'affection de leurs élèves que soixante à soixante-dix d'entre eux suivirent leurs maîtres qui partaient pour les Lazaristes, à Lyon.

 

La vente de Montaud ruinait le pensionnat, mais elle mettait aussi en posture critique l'œuvre des sourds-muets, et elle privait de logis les Frères qui enseignaient dans les écoles primaires de la ville. Comme il fallait bien loger tout ce monde, les Frères s'installèrent dans l'immeuble laissé libre par le départ des RP. Jésuites, au 3 de l'actuelle rue de la Préfecture. Cette maison avait d'abord abrité l'Ecole des Mines, puis les PP. Jésuites, elle recevait ensuite les Frères des Ecoles Chrétiennes. Ne semble-t-il pas à voir ces relations entre les Frères el cette Ecole des Mines, que s'annonce ainsi l'œuvre de M. Sogno, si profitable à la fois au Pensionnat Saint-Louis et à l'Ecole des Mines elle-même ?

 

Trois années devaient s'écouler avant que l'on reprit l'œuvre de 1837, car les Frères n'étaient nullement découragés. Un religieux ne se décourage jamais, son action est de l'ordre de l'éternité ; il sait que lorsque Dieu l'envoie, c'est pour quelque chose, et donc qu'il doit sans cesse agir. En 1854, à la demande des Parents, spécialement de MM. Chaleyer et Testenoire, et comme compensation à la fermeture de 1851, le T. H. F. Philippe autorisa l'ouverture d'une école payante. Le T. H. Frère voulut que cette œuvre portât simplement le nom de petite Ecole. C'est sous ce nom volontairement effacé que le Pensionnat Saint-Louis renaît à la vie. Dorénavant, la petite école grandira toujours au prix de multiples difficultés, mais elle ne connaîtra plus d'arrêt. Le premier professeur fut le F. Philippe de Néri, qui mourut au pensionnat Saint-Louis. Il faisait la classe à cinq ou six élèves, les premiers qu'il faudrait inscrire sur les listes du pensionnat, si la tradition nous avait conservé leurs noms

 

 Peu de jours après l'ouverture de cette école, le 24décembre 1854, les sourds-muets montent s'installer sur la colline Sainte-barbe, et la petite école, toujours dépendante de cette communauté lui transférée rue de la Loire,  en face de la Condition des Soies.   Le F. Gervais-Marie dirigeait alors les éludes. En 1857, nouvelle étape : la petite école s'installe rue des Gauds, dans l'immeuble Paillard.  L'école avait alors trois classes. Peu après, on en ouvrit une quatrième, qui fut vite remplie, si bien qu’en mars1859  lors du transfert rue des Chappes, le demi-pensionnat (il avait alors repris ce nom) comptait de 110 à 120 élèves.

 

L'immeuble de la rue des Chappes (l'actuelle école supérieure de la ville) avait été construit en 1854 aux frais de la municipalité, pour loger les Frè­res des écoles communales, l'école du quartier et aussi une école supérieure dont les élèves étaient recrutés au concours dans les écoles de la ville, alors toutes entre les mains des Frères.

 

C'est peu de temps avant ce transfert qu'arriva à Saint-Etienne l'homme dont la ténacité et l'énergie devaient avoir raison de tous les obstacles, et qui est le véritable fondateur, de notre pensionnat, le Frère Papyle.  Nous  avons sa photographie ; sa tête carrée, son regard scrutateur, son menton volontaire, disent l'intelligence lucide de l'homme, alliée à une volonté de fer. Le Frère Glastien, successeur du F. Papyle à la tête de cette maison, écrira : « Le Frère Papyle veut son pensionnat et i! l'aura ».

 

Le 20 septembre 1858,le Frère Papyle arrive à St-Etienne, venant de Roanne, où il était directeur. Il est placé à la tête de l'Ecole supérieure de la rue des Chappes. Le premier acte du nouveau directeur  fut de renforcer les éludes et d'augmenter les programmes. Puis il décida les supérieurs à autoriser le transfert du demi-pensionnat dans son école où peu après, avec l'agrément du maire, M. Faure-Belon, il réalisa la fusion des deux établissements. Bientôt, il reçut des pensionnaires : le pensionnat  Saint-Louis est  fondé et il prend immédiatement le nom sous lequel il sera glorieux : Saint Louis, du patron même de son fondateur, Louis Boyer, en religion frère Papyle.

 

En 1859-59, il compte déjà deux cents élèves el la maison devient rapidement trop petite. Le frère directeur achète un temple protestant contigu à l'immeuble et |e transforme en classes. Cet agrandissement est bientôt insuffisant si bien que le maire avertit le frère Philippe qu'il ne peut consentir plus longtemps à garder dans les immeubles municipaux de la rue des Chappes, un pensionnat, quand il faut loger les quatre-vingt frères des écoles communales et quelques classes primaires.

 

C'est alors que le frère Papyle jette les yeux sur une maison sise au 22 de la rue Désirée, et qui était une ancienne manutention civile. La partie primitive, objet du bail signé le 14 mai 1862 entre, le propriétaire et le Frère Philippe, comprend l'actuelle « grande salle », les deux ailes à gauche el à droite de la cour d'honneur et les classes sous la chapelle, qui servaient de remise à un marchand de vins. Le Frère directeur élève de deux étages cette construction, il construit, la chapelle et, à la suite de l'actuelle conciergerie, l'aile du « central », et les cuisines.

 

L'intention des Frères était de faire leur rentrée de 1863 dans le nouveau pensionnat. Mais divers travaux, réclamés par l'inspection académique, les obligèrent d'attendre le printemps de 1864. Néanmoins, ils y vinrent faire leur distribution des prix en 1863. Et ce fut un beau début pour cette maison, que ce défilé des quatre cents élèves qui, par cette belle journée d'été, quittèrent la rue des Chappes el vinrent, musique en tête, prendre possession de la rue Désirée.

La période des essais est terminée, l'histoire du pensionnat entre dans une phase nouvelle, celle de la grande prospérité. Mais avant d'en retracer l'histoire, il est juste de remarquer que toutes les entreprises qui reçurent rue Désirée un si magnifique essor, avaient modestement débuté dans les écoles de la rue des Chappes. Les hommes éminents qui développèrent le pensionnat vinrent de cette maison, il suffit de nommer avec le Frère Papyle, le frère Glastien, le frère Rodolfo, qui avait déjà commencé sa préparation an cours des mines, le frère Adrien, et le frère Pierre de la Croix.

 

 

LA RUE DÉSIRÉE

Cette période de 1864 à 1904 fut une ère de grande prospérité, de vie intense, on pourrait presque dire d'enthousiasme continu. Six directeurs se succèdent pendant ces quarante, ans à la tête du Pensionnat. Ce sont les frères Papyle, jusqu'en juillet 1876 ; Paramon, 1875-1881 ; Narcellien, 1882-1884 ; Glastien, i884-i890 ; Pantalus Martyr, 1890-1896 et le frère Rodolfo, 1896-1904. L'avantage des congrégations religieuses est que les changements des hommes n'entravent pas la marche des institutions . Il y eut six directeurs, certes bien différents de caractère el d'intelligence; sous leur règne, le pensionnat continua sa marche ascendante ; car les directeurs gouvernent d'après un code séculaire et qui a fait ses preuves. Un directeur d'un grand établissement religieux porte sans cesse en son esprit un triple souci : souci de l'administration matérielle : finances à gérer, locaux à aménager, à transformer, à entretenir, construction à réaliser, etc… ; souci des élèves, de leur formation religieuse et morale, de leur culture intellectuelle, de leur bien-être, de leur santé, de leur bonheur, car l'éducation est une œuvre qui doit se poursuivre dans la joie ; souci de ses collaborateurs, religieux comme lui, devant qui il doit marcher par l'exemple el qu'il doit suivre aussi en gardien vigilant d'une règle austère, dont l'observation assure à l'individu la maîtrise sur soi, l'action apostolique sur l'es élèves, le bonheur souverain dans la vocation. Il est le chef d'un corps de professeurs qui, doivent être dignes de leurs nobles fonctions, non point seulement par l'esprit religieux, mais aussi par la compétence professionnelle: experts en la science qu'ils enseignent, plus experts encore dans la manière de l'enseigner.

Il ne peut être question d'exposer ici comment, pendant ces quarante ans, les directeurs du pensionnat assumèrent leur rôle de supérieur de communauté. Qu'il nous suffise d'évoquer la résignation dans l'épreuve d'un Frère Papyle, la générosité d'un Frère Paramon, la piété d'un Frère Rodolfo, le courage dans la maladie d'un Frère Pantalus Martyr. Leur action religieuse appartient plutôt à ce que l'on pourrait appeler l'histoire intime de la communauté ; or, les communautés religieuses redoutent les regards indiscrets des profanes. Il n'en va pas de même pour leur rôle d'administrateur, de chef d'établissement scolaire, rôle facile à évoquer, grâce aux archives si bien classées par l'un d'eux, le frère Glastien.

 

L'ADMINISTRATION DU PENSIONNAT SAINT-LOUIS

 

Lorsque le Frère Papyle vint s'installer dans ces murs, le Pensionnat était réduit à une bande de terrain appuyée d'un côté à la rue Désirée, et de l'autre à la rue Denis-Papin, bande assez étroite, de la largeur de la cour centrale. Il semble alors que les directeurs de la maison à la manière des anciens capétiens pour la France, se soient proposé de donner au collège ses limites naturelles : toute la rue Désirée, la rue Denis- Papin et la rue Emile-Littré. Ils s'étendent d'abord au nord : une série d'achats successifs réalise l'acquisition de la cour des grands, ou l'on construira les classes du grand-quartier en 1867, l'angle de la salle de musique en 1864, les musées et la chapelle de la Congrégation avec des cours en arrière en 1877.

 

En 1880, le Frère Paramon acquiert ce que I’ on appelle le Château et il étend ainsi, le jardin jusqu'à proximité de la Grotte de Lourdes. Il faut attendre cinq ans encore pour atteindre la rue Denis-Papin.

 

Ce sera l’œuvre du F. Clastien qui agrandit son fief de la cour du sud, de là cour des cinquièmes, et de l’emplacement du grand préau. Lu 1896, c'est le tour de l'aumônerie et des immeubles qui en dépendent ; en 1897, le Pensionnat achète la maison à l'angle de la place Tardy et le jardin attenant, sur lequel on construira la sal]e de gymnastique. Enfin en 1902, l'immeuble qui fait suite à l'aumônerie est acquis. Il ne reste plus que deux petits lots insignifiants, l'immeuble Pupier et 45 mètres de façade sur la rue Emile-Littré. Encore un effort el le rêve de quarante ans sera réalisé, Saint-Louis pourra démolir ses vieilles masures et construire un pensionnat digne de lui.

 

Hélas, nous sommes en 1904, c'est la dispersion ; et depuis cette époque, les plans dorment dans les cartons. Mais qui sait si un jour un de ces frères directeurs entreprenants ne les exhumera pas de la poussière des archives pour les réaliser. Ce jour-là, les cendres des vieux directeurs du pensionnat tressailliront dans leurs tombeaux.

 

Patiemment. le pensionnat a groupé son territoire ; la même volonté tenace se révèle dans l'adaptation des locaux, dans l'utilisation du terrain. On va d'abord au plus pressé : les dépôts sous la chapelle sont aménagés en classes; la chapelle elle même n'est qu'une simple bâtisse de briques qui attendra longtemps son revêtement de ciment; on élève trois dortoirs sur la grande salle, car cette époque ne croit guère possible de concilier les études sérieuses avec les libertés de l'externat. Les classes du grand quartier trahissent, par leur légèreté, la hâte, le provisoire. On verra plus tard... Mais i! faut assurer une demeure convenable au Bon Dieu ; sans hésiter, on appelle des artistes : le remarquable chemin de la Croix est peint par M. Terrier, de Lyon, et l'on s'ingénie pour garnir de vitraux flamboyants les grandes baies du chœur. L'on songe aussi au bien-être des élèves et, parce qu'il l'ait chaud pendant les mois de .juillet et d'août, on creuse le grand bassin.

 

Tout cela s’est fait à la course, car la direction est talonnée par le nombre d'élèves sans cesse croissant, par les succès, par le développement de l’œuvre. A partir de 1886, les entreprises n'ont plus ce caractère de hâte fébrile. La période des luttes et des incertitudes est terminée. Le pensionnat a conquis ses droits à l'existence. Ses chefs songent alors à lui faire un brin de toilette. Après le Frère Papyle, qui fut le créateur, le Frère Glastien sera l'organisateur. C'est lui qui dessine les jardins et ménage la gradation des terrasses ; c'est à lui que l'on doit le grand escalier de la cour centrale et la Vierge qui le domine, c'est lui qui édifie la grotte de Lourdes pour laquelle la piété du religieux fait appel à la science du minéralogiste : il enchâssera dans ce monument tous les exemplaires curieux des roches du Forez.

 

Le frère Glastien fut aussi un grand collectionneur et un amateur de musées ; en 1886-1887 il installe les collections dans les salles où elles sont encore aujourd'hui. Le rez-de-chaussée du même bâtiment est, depuis cette époque, la chapelle de la Congrégation où des Frères envoyés par le T. H. Frère Joseph dessineront la religieuse procession des saints en prières. Le Frère Glastien organise, encore l'infirmerie telle que nous la connaissons, et il fait construire le grand préau. Nommé Visiteur le 15 mais 1890, il quitta alors le pensionnat. Mais sous sa direction, Saint-Louis doubla en superficie; surtout il prit sa physionomie définitive, celle que nous lui connaissons aujourd'hui. Si le F. Glastien revenait parmi nous, il reconnaîtrait sans peine son œuvre; les quarante ans écoulés depuis n’y ont apporté presque aucun changement. Après lui, il suffit de noter le revêtement de la chapelle en ciment, dû à la générosité d'un ancien élève, l'abbé Silvent, et la construction de la salle de gymnastique en 1889.

 

LA VIE AU PENSIONNAT

 

Pénétrons maintenant dans celle maison dont nous axons rappelé les développements successifs, et essayons d'en évoquer la vie. Si les Directeurs se sont imposé tant de peine, si de nombreux religieux ont consenti à enfermer leur vie dans ce collège, ce n'était pas pour le plaisir d'acheter, de construire, de collectionner. «L'esprit de cet Institut, dit Saint Jean-Baptiste de la Salle, est un grand zèle pour l'éducation chrétienne de la jeunesse. » Voyons, comment au Pensionnat, les Frères furent fidèles à l'esprit de leur vocation.

 

L'organisation religieuse n' a point varié : Chaque matin, messe à 6 h. 1/2, une demi-heure d'instruction religieuse tous les jours dans les classes, fêtes religieuses multiples et grandioses, dont les Archives relatent avec complaisance les cérémonies. Deux grandes manifestations religieuses ont marqué cette période, ce sont les triduums pour la béatification et la canonisation de Saint Jean-Baptiste de la Salle, en 1888 et en 1900. Les premières communions se font avec la solennité qu'elles ont conservé jusqu'à nos jours et M. Béjat nous montre comment, à cette époque, on savait fêter dans de splendides processions, le Saint-Sacrement. Mais tout ce culte extérieur, si louable soit-il, pourrait fort bien n'avoir été qu'un formalisme inutile, parce que sans relation avec la véritable vie intérieure. Ce ne fut certainement pas le cas au Pensionnat Saint-Louis. Nous en axons la preuve en deux ordres de faits : le développement des œuvres et les vocations religieuses.

 

 Ces œuvres furent d'abord trois congrégations, celle des petits, celle des grands et la congrégation des mineurs, sous la direction du Frère Régis. Il n'y a rien, là encore, de particulièrement remarquable, les congrégations existent dans tout collège religieux. Mais ce qui montre leur vitalité au Pensionnat, c'est qu'elles se continuèrent en dehors du collège par une congrégation d'anciens élèves, par la conférence Saint-Vincent-de-Paul qui existe encore, par une œuvre spéciale pour l'achat des fournitures scolaires aux enfants pauvres. Et il fallait bien que ces œuvres fussent actives pour qu'une chapelle et une salle leur fussent affectées en permanence. Les âmes d'élite de ces groupements d'élite entendirent l'appel de Dieu : des Prêtres, des Missionnaires, des Dominicains, des Jésuites, des Bénédictins, des Frères des écoles chrétiennes. Là est la pierre de touche de la vitalité religieuse d'un groupement. N'en doutons pas, elle était bien intense et bien surnaturelle la vie chrétienne au Pensionnat pour donner de tels résultats. Les Frères sont d'ailleurs trop soucieux de procurer aux enfants et aux jeunes gens tout ce qui peut les aider dans leur vie intérieure. Le Frère Camille, le Frère Régis, organisent des retraites et des recollections. Soit à Solaure, soit à Saint-Rambert. Parmi les anciens Aumôniers de cette période, deux noms dominent et laissent un souvenir impérissable : l'abbé Chausse, décédé le a 5 avril 1806, et l'abbé Chassagnon, aujourd'hui évêque d'Autun. Les grands élèves se rappelleront longtemps la forte direction, la bonté accueillante de ce dernier, et ils sont encore nombreux soit des Anglais, soit de cette maison, pour qui Mgr Chassagnon est resté à Autun, le conseiller et l'ami,

 

A la formation religieuse, il faut ajouter la formation sociale. Elle ne fut pas négligée. N'est-ce pas dans la grande salle du Pensionnat que fut organisée toute une série de conférences données par les maîtres du barreau, sous la direction des Semaines Sociales de France, conférences qui furent suivies par les grands jeunes gens du cours des mines, et aussi par des notabilités stéphanoises.

 

Puisque nous parlons d'action religieuse, i! est juste do conserver le souvenir de saints Religieux qui dans des emplois modestes avaient attiré l'attention   des   élèves par leur   esprit   de   prière ;   citons le Frère Paris, le Frère Octubre et  celui que tout le monde nomme encore le saint frère Prudentix,

Après la Piété, les études, Nul n'ignore leur force au pensionnat alors que tous les établissements d'enseignement libre de province se contentaient de la préparation au baccalauréat, les Frères s'attaquèrent hardiment à la préparation aux Mines et nous savons comment ils y réussirent. Celle historique se doit de rappeler que de 1880 à 1901, 399 élèves de Chantegrillet sortaient du P.S.L. el que pendant cette période, l'école compta dix-huit fois

le major. Le F. Rodolfo fut le créateur et l'âme de cette préparation, et c'est à sa grande valeur de professeur et de connaisseur d'hommes que l'on doit tous ces résultats Mais là ne se borne pas l'action de M. Sogno et de ses immédiats collaborateurs. Leur entrain au travail, leurs succès déterminent dans toute la maison une émulation peut-être inégalée. C'est l'époque où des classes entières réussissent aux examens et où, sur des promotions de 35 à l'Ecole des Mines, le P. S. L. s'en adjuge les deux tiers.

 Travail persévérant, acharné, mais aussi travail intelligent et si audacieusement novateur qu'il est un des plus beaux titres de gloire de la rue Désirée. Evoquons les faits, ils sont éloquents. Si l'Ecole des Mines est au rang des grandes écoles, à qui le doit-elle? Histoire peu banale dans les annales de renseignement, de candidats qui obligent à élever les programmes parce qu'ils les dépassent. Et qui a commencé dans renseignement des sciences à sortir des méthodes livresques pour mettre les élèves à l'école directe de l'expérience ? Les vieux laboratoires l'alignés du P. S. L., ou ont été formés des générations d'élèves, virent appliquer pour la première fois des méthodes que l'Université n'adoptera que beaucoup plus tard. Il serait injuste de ne point nommer leur savant et modeste organisateur, le Frère René, M. Son, ainsi que M. Targe, le Frère Adrien, le continuateur du frère Glastien pour l'entomologie, la botanique et la minéralogie. Les programmes récents du baccalauréat viennent d'introduire l'histoire de l'art.

 

En cette matière, le Pensionnat lut encore un  précurseur, témoin les musées d'histoire de l'art, organisés par le frère Glastien dès 1887.

Ces merveilleuses initiatives pédagogiques font le plus grand honneur à notre enseignement congréganiste. Certes, la franc-maçonnerie a bien fait d'essayer de le détruire, c'était le seul moyen, au prix d'une injustice, d'en avoir raison. Les élèves venaient en masse dans une maison où l'effort était facile et joyeux. Le frère Louis est resté célèbre par l'organisation de ses campagnes. Qu'était-ce qu'une campagne ? Le voici : s'apercevait-on que l'enseignement d'une matière faiblissait, l'on organisait une campagne, c'est-à-dire une série de concours dans toutes les classes. L'ardeur était ainsi stimulée, l'émulation s'emparait des élèves et bien vite, la situation était rétablie.

 

La campagne était le moyen accidentel, il existait des moyens permanents : compositions mensuelles, et visites hebdomadaires des travaux des élèves. Il faut noter aussi cette règle élémentaire très simple, mais généralisée à toute la maison. Chaque leçon comprend trois temps : explication, étude, récitation ; l'un de ces temps ne doit jamais s'étendre au détriment des autres.

 Règle simple, mais si efficace, et dont le mérite est de supprimer les longues études où les enfants s'ennuient et perdent leur temps.

Après la prière et les éludes, les jeux. Tout, avons-nous dit, se poursuit dans l'enthousiasme el la saine gaîté. Les frères sont psychologues ils savent que pour cultiver les esprits et les cœurs, il faut d'abord les avoir pacifiés. C'est aux jeux que l'on demande cette préparation du terrain pour l'étude et la piété. Au pensionnat Saint-Louis revient l'honneur d'avoir le premier en France organisé rationnellement les récréations el d'en avoir fait un facteur essentiel d'éducation. Qui dira le pittoresque et l'entrain de ces premiers concours de jeux de 1881 à 1890 ? Tout Saint-Etienne y accourait et l'on a vu les officiers de la garnison s'y intéresser au développement d'un thème militaire, comme lorsque le général Pierron présidait une reconstitution de la prise de Sonthay. Le Frère Paulien fut l'animateur sans pareil et le bon semeur d'enthousiasme de ces fêtes scolaires.

 

Les fêtes étaient largement distribuées dans I’ année, avec alternance des fêtes profanes et religieuses : la Saint-Louis pour tout le monde et la Sainte-Barbe pour les mineurs, avec grandes séances dramatiques dans le goût du jour ; de délicieuses messes de minuit, el les promenades de la musique, dont nous n'avons pas encore parlé, mais qui mérite sa mention très spéciale par le rôle important qu'elle joua de tout temps au pensionnat. Ses chefs furent successivement le Frère Adrien, un ancien élève, à qui succéda un autre ancien élève, M. Coudert, Frère Nicéphore, puis le bon M. Lajon, que nous avons tous connu. Pas une manifestation importante ne se passait, sans le concours de la musique. Vraiment, les élèves ne s'ennuyaient pas dans ce collège, où une soixantaine de religieux savaient si bien ailier la prière et le travail, les heures de repos et le temps des sports.

 

Trop heureux temps ! Saint-Louis en 1904 est une des premières maisons de France. La sécularisation va lui porter un coup, moins dur évidemment que celui qui détruisit Montaud, mais terrible et dont il mettra longtemps à se relever. Après cette phase de quarante ans de grandes prospérités, il va rentrer dans la période des difficultés. Mais son succès dans la résolution des premières crises nous donne bon espoir pour l'avenir

 

 

LA SÉCULARISATION

1901 -1904 ! Dates fatidiques dans l'histoire des congrégations et de l'enseignement libre en France. J'ai sous les yeux l'arrêté de fermeture du Pensionnat. Il porte :

 

« Le président du Conseil, ministre de l'Intérieur et des Cultes, vu la loi du 7 juillet 1904, relative à la suppression de l'enseignement congréganiste et notamment les articles 1 et 3 ainsi conçus, etc., etc., etc..

 

Arrête :

 

Art 1er. Sont fermés, dans un délai qui expirera le 1er octobre 1904, les établissements congréganistes ci-après désignés,  situés dans le département de la Loire : Frères des Ecoles Chrétiennes, Saint-Etienne, rue Désirée, 22.

 

 

 

Fait à Paris, le 10 juillet 1904.

 

Signé : E. COMBES.

 

On ne peut relire ce texte sans une profonde douleur. Que des décisions aussi iniques aient pu être mises à exécution, voilà qui passe l'entendement ! Que les catholiques, qui bénéficiaient du dévouement des religieux les aient laissés partir, voilà ce qui est terrible!

 

Marcel Ducros l'a dit dans son historique, la dispersion des efforts fut la grande cause de notre capitulation. Ici, au moins, à Saint-Etienne, quelque chose fut tenté, et il reste à l'honneur des soldats qu'ils firent l'impossible pour sauver l'enseignement libre, et l'histoire du Pensionnat pendant ces vingt-cinq dernières années sera une belle page du livre qui racontera Ces efforts, grâce auxquels tout ne fut pas perdu dans cette défaite.

 

 

Car le Pensionnat fut sauvé ! Ce résultat est dû essentiellement à  « I’ Association des Pères de Familles » constituée en 1904, par un groupe important de notabilités stéphanoises. Le conseil de celle Société gère le Pensionnat, il s'est en quelque : sortes substitué à l’Administration des Frêres, et c'est grâce à cette Association          que Saint Louis est resté ce qu'il est, fidèle à ses traditions et prospère, Sous la présidence de Me Tézenas du Montcel d'abord, puis de M. Varillon, l'Association des Familles a su garder l'œuvre primitive et même tenter d’heureuses innovation lorsque les circonstances le permettaient. Dès le début de la sécularisation, alors  que le départ du cours préparatoire à l'école des mines pour Lyon amputait la maison d'un groupe important de ses élèves, l'ouverture des classes enfantines empêchait  l'effectif de fléchir.    En 1907, c'est  la création d’un cours de  Commerce.  Il eut son heure de  célébrité  par  ses  programmes bien  conçus,  qui  lui  attirèrent  des  élèves et  des succès.    Ce cours n’as pas survécu à la guerre ; mais l'école enfantine demeure el sa division n'est ni la moins intéressante ni la moins nombreuse de la maison.

 

Si le Pensionnat a dû à l'Association des Familles de pourvoir continuer ses cours, sa vie n'en restait pas moins précaire. Car le local mis sous séquestre à la sécularisation pouvait lui échapper d'un moment à l'autre. Il fallait en prévoir l’achat et, dans ce but, constituer une société capable de faire l'effort financier nécessaire lorsqu'il serait mis en vente.  Cette vente eut lieu en juillet 1914, quelques semaines avant la guerre. Mais la Société Foncière de la Loire existait depuis 1913.  Elle se porta acquéreur des Immeubles du Pensionnat qui lui furent adjugés sans grandes difficultés. M. Waton fut le premier président du Conseil d'administration de cette société, M. Martouret lui a succédé. On doit à la sage administration de ces messieurs d'avoir conservé le domaine si patiemment constitué par les Frères Directeurs, et il faut bien espérer qu'un jour, ils auront la suprême joie de voir revenir dans ces murs leurs anciens propriétaires, en robes noires et en rabats blancs.

 

Le but de ces deux sociétés, Foncière de la Loire et Association des Familles, était de conserver. Or, pour conserver l'école et ses traditions, il fallait un corps de professeurs formés aux mêmes méthodes que les anciens maîtres. Il eut été logique que les frères sécularisés demeurassent dans leur maison. Une erreur, car c'en fut une, voulut que la sécularisation ne put se faire sur place. Il fallut donc constituer tout un groupe de professeurs venant d'autres maisons ayant subi le même sort. Le recrutement des professeurs appartint pendant toute cette période à doux hommes, M. Barlet, qui fut nommé administrateur délégué de l'Association des Familles, et M .Suchel , directeur du Pensionnat.

Aussi, les élèves  qui revinrent au pensionnat à la rentrée de 1904, ne trouvèrent-ils de changé que les professeurs et leur costume. Horaire, cadre, direction religieuse, programme, méthodes, tout était conservé, et personne n'eut le sentiment d'une modification profonde dans la marche de la maison les familles étaient restées fidèles el les registres accusent 43o élèves présents
au
9 novembre 1904. Jaloux de celle réussite, les policiers vinrent deux ou trois fois poursuivre une enquête, mais que pouvaient-ils contre une sécularisation si bien organisée, si bien gardée, avec une prudence un peu timide, peut-être, contre les entreprises du pourvoir ?

 

Aussi le Pensionnai poursuit sa marche. Il a toujours son même nombre d'élèves qui oscille entre '400 et 450, il connaît les mêmes succès au baccalauréat. Voici quelques chiffres :

En  1905, 27 reçus sur 29 présentés

en 1906, 36 sur 44

en 1908,  22 sur 25 etc….

 

On a coutume de dire que les chiffres ont leur éloquence. Répétons-le à propos de ces statistiques et constatons que le Pensionnat Saint-Louis a maintenu dans la sécularisation ses succès scolaires.

Il a fait plus que se maintenir, il s'est adapté. Il le devait d'ailleurs, car une école est un organisme vivant, et ils sont morts, les groupements qui, sous prétexte de traditions n'évoluent pas avec leur époque. Avant la sécularisation, les classes fonctionnaient avec le système rigide de deux professeurs par classes ; de nos jours, le pensionnat a, dans ses premières classes, des professeurs spécialisés, assistés de surveillants pour les récréations, les réfectoires, les dortoirs, etc.

Dans l'ordre de l'enseignement, il faut signaler deux innovations importantes : A la suite des décrets Bérard, en 1923, le latin fut déclaré obligatoire pour le baccalauréat. A la même époque, une lettre du Souverain Pontife Pie XI demandait aux Frères dos Ecoles chrétiennes d'introduire aussi le latin dans leur programme. Il est inutile de dire ici les motifs qui inspireront l'auguste Pontife. Le pensionnat se devait d'entrer dans la nouvelle voie, vers laquelle le poussaient depuis longtemps les influences pressantes de ses amis. Dès la rentrée de 1923, le latin fut enseigné en sixième et M. l'abbé Bérard, aumônier, reçut la mission de diriger ces études. Aujour­d'hui, toutes les classes sont doublées d'une division de latinistes. Les projets Bérard n'ont pas eu de lendemain, mais les raisons subsistent qui ont motivé la demande de Pie XI. Le pensionnat continue l'enseignement du latin.

 

Autre innovation : A la rentrée d'octobre 1925, les jeunes gens de première, après leur première partie purent opter pour la classe de mathématiques ou la classe de philosophie, récemment créée. Depuis, chaque année, on certain nombre d'élèves ont suivi les cours de cette classe, et presque chaque année aussi l'on a vu les meilleurs d'entre eux quitter le pensionnat pourvus des deux baccalauréats.

 

On ne nous croirait pas si nous affirmions que tout fut pour le mieux pendant ce dernier quart de siècle. De grosses difficultés troublèrent la direction de M. Suchel, et la plus terrible fut la guerre. Que d'œuvres sombrères dans le cataclysme ! La Providence, manifestement, protégea le vieux Pensionnat Saint-Louis. L'école, en partie réquisitionnée, due chercher en ville des dortoirs, et, pour suppléer ses professeurs mobilisés, faire appel à des anciens élèves ou à des jeunes gens de l'école des mines qui n'avaient pas encore l'âge de partir. C'est alors que l'on vit reparaître les soutanes des frères. Quatre d'entre eux vinrent enseigner au Pensionnat pendant toute la durée des hostilités. Les autorisations nécessaires ne furent pas accordées sans démarches, mais grâce au zèle de M. le docteur Choupin, président intérimaire de l'Association des Familles, en l'absence de Me Tézenas du Montcel, mobilisé, le Pensionnat ne fut pas inquiété pour cette initiative.

Le Pensionnat prit sa part des joies et des deuils de la patrie. Après la guerre, on possession de ses locaux, il réorganisa ses services, ses professeurs lui revinrent, quelques-uns marqués de glorieuses blessures et porteurs de  décorations bien méritées. Saint-Louis songea à honorer ses morts. Le sobre monument de !a cour d'honneur redira longtemps aux générations futures les noms glorieux des anciens élèves morts au champ d’honneur.

 

Aujourd'hui, en 1929, le Pensionnat achève sa soixante-cinquième année dans les locaux de la rue Désiré. Pour la septième fois il a changé de directeur, et l'auteur de ces lignes a succédé le 10 juillet 1925 à Monsieur Suchel. Monsieur Suchel après avoir aidé son successeur de ses conseils et de son expérience est descendu dans la tombe le 24 décembre 1928. Le Pensionnat gardera toujours son souvenir. Ne fut-il pas le Sauveur ? En 1904, il eu foi dans les destinées de l'œuvre et il accepta le fardeau. Son mérite fut grand d'accepter une direction et de tenter une aventure dont personne ne pouvait prévoir l'issue. Mais quel déchirement pour lui lorsqu'il dut rompre avec la congrégation des Frères qu'il aimait tant! Son testament nous révèle ses luttes intimes. Ses souffrances supportées avec résignation ont sauvé cette maison. Discrète et  presque effacée, son action fut, par sa vie intérieure et sa piété profonde, très efficace pour le salut et la conservation de la maison qu'il dirigeait.

 

Le 21 avril 1929, l'Association Amicale des Anciens Elèves fêtait le cinquantième anniversaire de sa fondation. Mais 1929 est aussi le vingt-cinquième anniversaire de la sécularisation. On aurait pu rappeler cette coïncidence. La seconde commémoration n'aurait pas assombri la joie de la première ; car, eu effet, la sécularisation est sortie de la période trouble où les pessimistes la considéraient comme le coma avant la mort. Les desseins de la Providence sont insondables, mais il semble qu'un renouveau passe sur la Franco catholique et sur ses œuvres. La vie religieuse refleurit sur la terre de notre pays, encore discrète et timide peut-être; mais qu'un souffle de liberté s'élève et l'on verra de nouveau apparaître comme après chaque ère de persécution dans notre pays, les œuvres plus vivantes que jamais. Et c'est par un acte de foi dans les belles destinées du Pensionnat Saint-Louis, que se terminent ces lignes.

 

                                                                                                    René GUILLAUMIN